Orientation subie
témoignagePaul 16 ans est élève de 1ère année de CAPA agricole "Service aux Personnes et Vente en Espace Rural", Dès son arrivée dans l’établissement, il présente des difficultés d’intégration. Il s’isole dans la classe, se moque de ses camarades, fait preuve de cynisme et surtout refuse tout contact avec les adultes de l’établissement. Après plusieurs semaines, l’équipe pédagogique ainsi que les assistants d’éducation commencent à se « plaindre » de son comportement auprès professeur principal de la classe et du CPE.
Ces derniers décident de voir Paul en entretien, mais de manière séparée, afin de pouvoir confronter par la suite les réponses de Paul aux questions posées et surtout de ne pas le braquer. En amont, le CPE prend des renseignements auprès du collège d’origine.
Il en ressort les éléments suivants : « Paul a une passion pour la pâtisserie depuis son plus jeune âge. Ses parents sont propriétaires d’une jardinerie dans une ville voisine qui est réputée et connue pour son savoir-faire et son professionnalisme. Paul a rencontré des difficultés scolaires notamment en classe de 4ème et avait pris la décision de redoubler sa classe de 3ème pour avoir de meilleurs résultats afin d’être sûr d'obtenir un cursus en pâtisserie. Ses parents avaient accompagné cette décision sans pour autant la valider complétement, ni la comprendre car eux souhaitaient que leur fils se forme pour reprendre le commerce existant qui est florissant. Paul est fils unique. A l’issue du redoublement de la classe de 3ème, Paul avait formulé plusieurs vœux dans la filière "pâtisserie" et un seul vœu pour le CAPA le plus proche de chez lui. Il a été accepté en pâtisserie mais dans une formation éloignée de son domicile. Les parents n’ont pas accepté qu’il parte et Paul se retrouve donc dans une formation qu’il n’a pas choisie. Le CPE décide de ne pas informer son collègue dans un premier temps de ces éléments afin que l’entretien avec l’élève soit exempt de toute antériorité tant d’un point de vue scolaire que personnel.
Paul, contrairement à ce qu’il affichait depuis la rentrée, révèle durant les entretiens être en demande de la relation inter-individuelle et justifie son comportement inadapté dans le but qu'on le remarque et qu'on lui donne ainsi l’opportunité de partager son mal-être avec des adultes référents. Il souhaite être accompagné à trois titres :
(1) Pour mettre fin à cette orientation subie,
(2) Dans sa difficulté relationnelle avec ses parents, pour pouvoir leur parler et leur expliquer son envie professionnelle,
(3) Trouver une solution à moyen et long terme.
Capsule prioritaire
En réponse à des problématiques d'orientation subie, plusieurs pistes d'actions, très différentes les unes des autres, sont envisageables.
Dans le cas de Paul, il s'agit de réaliser un un travail avec la famille, sous forme d'entretiens réguliers avec les parents et avec l'élève lui même, pour lui permettre de s’épanouir. Ces entretiens pourront par exemple aboutir à réaliser un compromis avec l’élève qui accepterait alors de finir cette formation avant de s’orienter à la fin du cursus sur la formation voulue. Il s'agit pour autant de faire attention à ce que Paul s’implique dans la formation de l’établissement, et à ce titre, il pourra être opportun d'établir un contrat. Il pourra être aussi nécessaire d'aider l’élève à repérer les compétences qu'il pourra acquérir et qui lui seront utiles dans toute autre formation comme la constitution d’un CV, d'une lettre de motivation ou d'un Portfolio, et ce, de façon à maintenir son estime de lui-même.
Une deuxième situation est cette fois-ci relative à un élève qui n’a pas de projet. Il conviendra alors de prendre le temps de la construction d’un projet professionnel et donc personnel… sans pour autant accepter que l'élève soit perturbateur. Là encore, il ne faut pas hésiter à établir un contrat de confiance réciproque. Il est, à ce titre, possible de se faire aider de la Mission Locale et du Centre d'Information et d'Orientation (CIO). Vous pouvez encore utiliser des outils comme des logiciels d'orientation qui vous aideront à accompagner et à identifier les besoins et les envies de l'élève.
Une troisième situation relève de parents qui seraient résistants. Si tel est le cas, il est préférable de jouer un rôle de médiateur entre eux et leur enfant, surtout si ce dernier est en demande. Cette médiation fera alterner des temps d'entretiens avec les parents, des temps d'entretien avec l'élève, et des temps confrontant parents et enfant. prenez garde cependant au fait que la gestion des émotions est parfois difficile autant pour les protagonistes que pour le médiateur.
Quoi qu' il est soit, il est important d'aider l’élève à ne pas rompre le dialogue avec vous ou avec les parents, et dans ce dernier cas, l'école, comme lieu "neutre" peut faciliter les échanges. Il est aussi souvent souhaitable de l'élève à l'entretien qu'il va avoir avec ses parents, et de veiller à établir un climat apaisé et de confiance.
Chaque situation est unique, mais il faut garder en tête :
1. Le maintien du dialogue
2. La construction du projet de l'élève
3. Les compromis qui sont possibles de réaliser
4. L'engagement du jeune, des parents et de l'établissement dans les décisions prises, et de le contractualiser.
Ressources
des sites ressources :
Un guide pour accompagner le projet personnel, scolaire et professionnel du jeune
Diagoriente et Parcouréo sont deux logiciels pour aider une personne à définir son orientation.
Des structures ressources :
d’orientation La Mission Locale
Le CIO
L’APECITA
FAQ
Comment inscrire une politique d'orientation à l'échelle de l'établissement ?
Le projet d'établissement ou une instance comme le Conseil d’Éducation et de la formation (CEF) peuvent être des leviers pour porter des questions d'orientation à l'échelle de l'EPLEFPA . Il est en effet important de pouvoir répondre et accompagner tout apprenant qui a une ambition scolaire différente de celle vécue. L'impulsion d'une dynamique et d'une politique en matière d'orientation permet en outre d'améliorer le climat scolaire.
Dans la mesure où l'élève n'a aucun projet ni professionnel, ni personnel, comment faire ?
L'expression d'une envie, quelle qu'elle soit, est fondamentale. La faire élaborer par l'élève peut prendre du temps. Et même si celle-ci vous parait inatteignable, la remettre en cause, c'est risqué de casser la relation, et de générer une forme de fatalisme chez l'élève. Il est recommandé de plutôt interroger l'élève sur les premiers pas qu'il peut faire pour répondre à cette envie.
Est-il parfois préférable d'éviter les parents si ceux-ci semblent un frein à l'orientation de l'élève ?
Maintenir les liens avec les parents, le tuteur est fondamental. Sinon, ce ne seront que des obstacles qui surgiront à tout moment. Vous n'êtes cependant pas toujours obligé de les contacter et de jouer un rôle de médiation. Vous pouvez tout aussi bien définir avec l'élève un mode de relation à ses parents plus constructifs, et qui répondent à ses propres intérêts.
Un soutien à l'élève en termes d'orientation peut être très dispendieux en temps. Comment faire alors pour répondre à toutes les demandes ?
Une politique d'orientation est un vrai travail d'équipe. Elle ne peut pas reposer sur les épaules d'une seule personne. Nous vous invitons à la mettre en œuvre en l’inscrivant dans le cadre du projet d'établissement et qu'elle soit portée par le conseil d'éducation et de la formation.
Bibliographie
Bangali, M. (2021). Les compétences à s'orienter. Théories et pratiques en orientation scolaire et professionnelle. Ed. Mardaga.