Violence du Conseil de discipline


Témoignage

Pierre est enseignant d’Éducation Socioculturelle. Il considère qu'au-delà des apprentissages dispensés en classe, sa mission est aussi notamment d’accompagner les jeunes de l’ALESA (Association des Lycéens, des Etudiants, des Stagiaires et des Apprentis) sur la voie de l’autonomie et de la prise en charge de projets. Un éveil à la citoyenneté et à la responsabilité.
Au cœur de ce dispositif, le foyer. Dans celui-ci, le bar joue un rôle essentiel en terme de convivialité et de prise de responsabilité des jeunes qui le gèrent (gestion des stocks, comptabilité, planning d’ouverture). Il passe donc régulièrement au foyer pour voir si tout va bien.
Un jour, en rentrant dans le foyer,il constate que les tiroirs du bar sont ouverts et que des élèves sont en train de voler la marchandise.Il intervient et rapporte cet incident à la CPE. La direction prend la décision de convoquer un conseil de discipline pour les élèves concernés.
Pierre participe à des conseils de discipline depuis quelques années et a constaté une plus grande défiance grandissante des jeunes et de leur famille qui voient le conseil de discipline comme un tribunal, oubliant la partie éducative du processus.
Lors du Conseil de Discipline dont il s'agit ici, aux yeux de Pierre, tous les plafonds de verre vont être dépassés.
Aucune préparation préalable n’avait été mise en place. Il arrive donc concentré, mais inquiet.
Les familles sont les premières à lancer les hostilités. Elles remettent en cause la version qu'il décrit sur le vol. Elles minimisent l’affaire. Mais pour Pierre le pire est que les élèves vont dire qu’ils n’ont jamais été présents derrière le bar et l'accuser d’avoir menti.
Les débats vont être houleux. Le proviseur est très tendu et les échanges vont s’envenimer.
Pierre se sent violemment bousculé dans sa posture d’éducateur. Comment des parents et des élèves peuvent remettre en cause une parole d’enseignant ? Que pensent ils gagner ? Que leurs enfants ne soient pas sanctionnés ? Mais ces derniers doivent bien comprendre le préjudice que leurs actes a engendré pour les jeunes qui gèrent le bar.
Et pour les jeunes concernés, c’est un droit à l’impunité. Une victoire sur l’institution et sur les jeunes engagés de l’ALESA.
Les élèves seront interdits de foyer pour toute l’année. Ils se mettront en lisière du foyer, en narguant tout le monde.
Pour Pierre le sentiment après ce Conseil de Discipline est très amer : au lieu de trouver des solutions, le Conseil de Discipline a exacerbé les tensions et n’a apporté aucune avancée éducative.


Capsule prioritaire

Cette situation montre l’importance d’être clair sur le rôle et la fonction de chacun afin de ne pas favoriser un climat de confusion et d’ambiguïté, dans un processus qui se veut avant fout éducatif et réparateur. Ainsi, la dimension émotionnelle a pris toute la place dans le déroulement de ce Conseil de Discipline où les enjeux de préparation, de formation préalable, de communication n’ont pas été suffisamment pris en compte.
Il faut tout d’abord rappeler que, de façon générale, tous les personnels de l'établissement doivent être attentifs au respect des règles de vie au sein de l'établissement, aussi bien en classe que hors la classe. Cette mission n'est pas du ressort exclusif des personnels d’éducation (comme le précise le référentiel commun de compétences des personnels d’enseignement et d’éducation). Le cadre réglementaire et les procédures disciplinaires qui en découlent, doivent faire partie intégrante de la politique éducative de l'établissement. Elles doivent être partagées par l'ensemble des acteurs de l’établissement, et intégrées dans le projet d'établissement.
Face aux actes d'indiscipline, l'établissement scolaire doit prendre les mesures appropriées afin de sanctionner les actes et comportements contraires au règlement intérieur. Il doit aussi mettre en œuvre une politique de prévention impliquant la communauté éducative (personnels, élèves, parents) afin de limiter le recours aux sanctions. Il s'agit là d'un volet essentiel de la politique éducative de l'établissement. Cela passe par un travail de présentation et d'explicitation de la règle sans être détaché de l'acte pédagogique.
La formation des personnels engagés dans les instances disciplinaires est un levier essentiel d’une démarche cohérente et concertée. On peut tout à fait imaginer un temps dédié après les élections des représentants aux différents conseils, associant personnels, parents élus et jeunes.
Le conseil de discipline, pose un cadre solennel permettant avant tout une prise de conscience et une pédagogie de la responsabilité. Les enjeux de gestion de la parole et de prévention du conflit sont majeurs au sein de cet espace où la tension émotionnelle des différents acteurs est en prendre en compte.
Le principe du contradictoire parfois perçu, à tort, comme une remise en cause de l'autorité de l'adulte, représente en fait une garantie pour l'élève comme pour l'institution scolaire.
Nous pouvons évoquer ici la commission éducative instituée par l'article R. 811-83-5 du code rural et de la pêche maritime témoigne de la volonté d'associer complètement les parents dans la démarche éducative à mette en œuvre face aux manquements d’un élève. Cette instance a notamment pour mission de proposer au directeur de l’établissement (le lycée ou le centre) des réponses éducatives, et d'assurer le suivi de l'application des mesures de prévention, d'accompagnement et des mesures de responsabilisation ainsi que des mesures alternatives aux sanctions.
Elle est réunie en tant que de besoin selon des modalités prévues par le conseil d'administration. Ses travaux, qui se déroulent dans les formes prescrites par la réglementation, ne sont pas un préalable à l'engagement d'une procédure disciplinaire tel un conseil de discipline auquel elle ne se substitue en aucun cas, et ne limitent pas les compétences des titulaires du pouvoir disciplinaire. Mais la commission éducative peut proposer une réponse qui vise à amener l’élève, dans une optique éducative, à s’interroger sur le sens de leur conduite, les conséquences de leurs actes pour eux-mêmes et autrui.
Enfin, pour qu’une sanction soit considérée comme efficace, porteuse d’une dynamique éducative, il est indispensable de s’assurer qu’elle soit validée, comprise, par l’ensemble des acteurs impliqués dans la situation. Une décision collectivement réfléchie, argumentée, débattue, doit à la fois rétablir l'estime de soi de l’éventuelle victime, réinsérer l'auteur du manquement par sa capacité à redresser la situation, restaurer les liens entre les personnes et apaiser toute la communauté éducative.



Ressources pratiques
Règlement intérieur et discipline dans les EPLEFPA

-Mise en place des différents conseils.

-Le site de L'Autonome de Solidarité Laïque propose de nombreuses ressources sur les questions juridiques liées aux métiers de l'éducation. L’ASL constitue un ensemble associatif présent dans tous les départements. Il est animé par des personnels de l’éducation qui ont choisi de s’impliquer auprès de collègues confrontés à des difficultés. Depuis 2008, L’ASL propose en partenariat avec la MAIF l’Offre Métiers de l’Éducation, accompagnement et protection des enseignants et non-enseignants.En cas de procédures judiciaires, par exemple, vous pouvez être accompagné durant l'ensemble de la procédure, jusqu'au procès s'il y a lieu

-Bien vivre ensemble ça se cultive, site en lien avec la dynamique "Climat Scolaire"



bibliographie

-La sanction en éducation - Eirick Prairat Collection : Que sais-je ? Presses Universitaires de France.
- Guide pour une justice scolaire préventive et restaurative dans les établissements scolaires du second degré, édité par Canopé

FAQ

-Dans quel cas le chef d’établissement est-il obligé de convoquer le conseil de discipline ?
L’initiative de la procédure disciplinaire appartient exclusivement au chef d’établissement, éventuellement sur demande d’un membre de la communauté éducative. C’est lui, qui décide ou non de réunir le conseil de discipline sauf cas obligatoire.
Déclenchement de la procédure disciplinaire:
  • Le chef d’établissement est tenu d’engager une procédure disciplinaire lorsqu’un membre du personnel de l’établissement (agent titulaire ou contractuel) a été victime de violence verbale ou physique et lorsque l’élève commet un acte grave à l’égard d’un membre du personnel ou d’un autre élève » [ce principe est énoncé partie I. B- de l’annexe de la circulaire N° 2014-059 du 27 mai 2014]
Lorsque le chef d’établissement, saisi par écrit d’une demande de saisine du conseil de discipline émanant d’un membre de la communauté éducative, décide de ne pas engager de procédure disciplinaire, il doit notifier par écrit à l’intéressé sa décision de refus motivée (cf. article D511-30 du code de l’éducation).
Cas de réunion obligatoire du conseil de discipline
Toutefois, l’article R421-10 du code de l’éducation précise qu’il est tenu de saisir le conseil de discipline lorsqu’un membre du personnel de l’établissement a été victime de violence physique.
Dans le cas précis de violence physique, il n’y a donc pas lieu de faire une demande de saisine puisqu’elle doit être obligatoire.

-Que faire si un.e élève refuse d'exécuter une mesure de responsabilisation, alternative à la sanction?
Toute mesure alternative à la sanction proposée, selon le cas, par le directeur de l’établissement ou le conseil de discipline doit recueillir l'accord de l'élève et de son
représentant légal s'il est mineur. L'un et l'autre sont avertis que le refus d'accomplir la mesure proposée, a pour effet de rendre exécutoire la sanction initialement prononcée et son inscription dans le dossier administratif de l'élève.

-Qui a le droit d'accompagner un.e élève lors du conseil de discipline?
Lorsque le conseil de discipline est réuni, le directeur de lycée ou de centre doit préciser à l'élève cité à comparaître qu'il peut présenter sa défense oralement oupar écrit et se faire assister par une personne de son choix. Si l'élève est mineur,cette communication est également faite à son représentant légal afin qu'il puisse présenter ses observations. Le représentant légal de l'élève et, le cas échéant, la personne chargée de l'assister, sont informés de leur droit d'être entendus à leurdemande par le directeur de lycée ou de centre ou le conseil de discipline.

-Un enseignant peut-il porter plainte pour diffamation s'il est accusé d'avoir menti?
- Si l’enseignant est attaqué en tant que fonctionnaire, il n’a pas obligation à porter plainte. A travers son agent, c’est l’administration qui est attaquée et doit prendre toutes les mesures nécessaires. La demande de protection (article 11 – loi de 1983) donne obligation à l’administration de protéger son agent.
-Si l’agent est attaqué en tant que personne (son physique, sa vie privée…), il doit porter plainte comme tout citoyen.

Devant la justice, 4 éléments constituent le délit de diffamation publique :
-L'allégation d'un fait précis.
-L'atteinte à l'honneur ou à la considération de la personne.
-La personne visée par les propos doit être déterminée ou facilement identifiable