Un total de 3 pages ont été trouvées avec le mot clé tionale.

Des savoirs et pratiques aux enjeux éthiques malmenés : les traiter dans le respect de l'élève


Témoignage

Anne, enseignante de biologie-écologie :

" Impossible de traiter de la question du loup avec mes élèves de filière professionnelle agricole. Si je commence à leur montrer qu'il peut dans certains contextes favoriser la biodiversité, je reçois une volée de bois vert. On me traite d'écolo, et c'est vite le tollé. En plus de cela, c'est un véritable conflit entre les élèves "productions" et ceux relevant de filières environnementales. Les uns provoquent les autres, et l'on retrouve des tags dans l'établissement du genre "mort au loup" ou "vive le loup". Je préfère ne plus en parler, mais j'ai l'impression de mettre le couvercle sur une cocotte-minute."


Charline, baccalauréat professionnel "production animale", à l'issue d'un TP (travail pratique) "écornage des veaux" :

"Ça m'a fait mal quand on a écorné (les veaux) ; j'avais peur de leur faire mal. Et maintenant je sais qu'ils sentent, je sais que ça brûle, enfin ça se voit bien. On a écorné et je me disais qu'ils souffraient. On se disait que c'est pour leur bien comme ça ils vont pas taper les autres et nous, si on se prend un coup de corne, etc. j'ai eu le grand stress, j'ai eu une montée de chaleur, j’ai eu peur, j'ai dit que j'y arriverais pas, j'ai tout de suite perdu confiance en moi, et je savais que j'allais pas réussir. J'ai commencé à avoir des tremblements et j'ai eu une boule qui s'est coincée là, et j'étais en panique. J'étais en tremble, j'arrivais plus à parler normalement et j'ai les larmes qu'arrivaient toutes seules, tout le monde criait à côté, ça ne m'aidait pas non plus, (...), je n'arrivais pas à leur faire comprendre ce que je ressentais. J'étais déjà dans mon projet professionnel alors que là je suis en train d'y réfléchir, je ne sais plus quoi en penser, je crois que je ne pourrai jamais avoir mon exploitation."

Damien, baccalauréat professionnel "vente en animalerie", à l'issue de son stage professionnel :

"Dans les animaleries, il y a beaucoup d'animaux morts. On conseille aux clients de ne pas mettre autant d'animaux dans les cages, mais en animalerie, on est obligé. Ce n'est pas bien pour l'animal mais on n'a pas le choix. (...) En même temps, comme professionnel, c'est important de montrer l'exemple aux clients."


Capsule prioritaire

Charline et Damien témoignent d'un souci éthique, ici à l'égard d'animaux d'élevage, qui n'aurait pas été questionné en classe.
Si les enjeux éthiques qui traversent inévitablement toute formation professionnelle ne font pas l'objet d'un traitement spécifique lors de celle-ci, différents effets négatifs peuvent être observés sur le plan psychologique comme la dégradation du sentiment de confiance en soi dont témoigne Charline ou encore le développement de mécanismes de défense entraînant le désengagement moral afin d’éviter une souffrance psychologique.
Il pourra aussi s'agir de nier les effets nuisibles d'une activité professionnelle :
- en réduisant sa sensibilité, son empathie,
- en minimisant les émotions ressenties,
- en rationalisant sa conduite, ou en d'autres termes en trouvant des arguments pour la justifier adoptant un mode langagier particulier pour l'euphémiser (comme d’utiliser le terme de démarque pour décrire l’activité qui consiste à enlever les animaux morts d’une animalerie).

Si ces mécanismes de défense peuvent se justifier dans certaines activités professionnelles, comme par exemple dans le monde hospitalier afin d’éviter une fatigue empathique et un burn-out, elles peuvent maintenir un mal-être affectif, et ne plus permettre à la personne de penser à d'autres options possibles. A titre d'exemple, l'écornage peut être évité selon le système de production choisi.

De nombreux obstacles peuvent s’élever contre le développement d’une pensée éthique : le futur professionnel risque de s'imposer une forme de loyauté à l'égard de l'entreprise pour laquelle il travaille, en se conformant à un « genre professionnel », qui légitimerait par exemple que l'écornage des veaux soit une activité sur laquelle on ne pourrait pas transiger dans le monde de l'élevage. Mais il prend alors le risque de traduire de tomber dans une forme de fatalisme.
On observe par ailleurs que la peur de l'autorité, et son acceptation au nom de principes moraux ou scientifiques peuvent conduire une personne à se nier et/ou à faire souffrir. Toute autorité que légitime un savoir expert, un savoir savant ou une pratique de référence peut devenir un quitus pour mettre en œuvre des comportements violents, pour les autres et par voie de de conséquence pour soi-même.
Il est donc légitime que les élèves puissent solliciter la possibilité d'échanger dans un cadre sécurisant qui rende l'écoute et la pensée constructive, qui leur permette de développer une pensée critique et créative qui questionne les normes, les valeurs, les désirs, les intérêts, les émotions de la personne, et qui participe de leur émancipation.
Les approches pédagogiques supposent une posture impartiale de la part de l'enseignant afin d'éviter les réactions agressives dont Anne témoigne par exemple, tout en permettant un conflit cognitif ou socio-cognitif favorable à l'apprentissage.


Ressources pratiques

Le site relatif au traitement des questions socialement vives vous permet de découvrir des approches pédagogiques pour travailler des questions qui suscitent en général de vifs débats de manière constructive.

Comment traiter de la question socialement vive du bien-être animal avec des (futurs) professionnels en élevage ?
image logo.jpg (26.7kB)

Un exemple de traitement des conflits grâce au théâtre-forum

Un exemple de traitement pédagogique de la question socialement vive de la réapparition du loup


Bibliographie

Legardez, A. & Simonneaux, L. (2006). L'école à l'épreuve de l'actualité. ESF

Simonneaux, L. & Legardez, A. (2011). Développement durable et autres questions d'actualités. Questions socialement vives dans l'enseignement et la formation. Educagri éditions.

Simonneaux, J. (2019). La démarche d'enquête. Une contribution à la didactique des questions socialement vives, Educagri éditions;

FAQ

Cela fait partie de l'apprentissage d'un métier que de créer des défenses. Faut-il nécessairement lutter contre ?

Dans certains métiers, créer des défenses est le meilleur moyen pour ne pas se sentir mal psychologiquement et ne pas faire de burn-out. C'est finalement la meilleure réponse à avoir dans une activité qui n'offre pas d'autres déclinaisons. Ces défenses peuvent permettre d'identifier de nouvelles manières d'agir plus éthiques. Mais d'autres métiers et d’autres activités sont marquées par une idéologie qui mérite d'être questionnée. Il s'agit alors de montrer qu'il y a d'autres possibles qui sont plus à même de répondre aux attentes éthiques des élèves. A titre d'exemple, il est désormais possible de sexer les œufs avant éclosion, ce qui permet d'éviter le broyage des poussins mâles. Certains éleveurs ont pris l'option de ne pas tuer les poules pondeuses à l'issue de leur carrière. Le choix revient in fine à l'éleveur selon l'éthique qu'il souhaite traduire.

A remettre en question un genre professionnel dominant, ne risque-t-on pas de se mettre en porte à faux avec le discours des maîtres de stage/d'apprentissage ?

C'est possible effectivement, mais il s'agit d'aiguiser une pensée critique chez l'élève. Montrer à l'élève qu'il y a plusieurs réponses possibles, ce n'est pas remettre en cause les choix du maître de stage/d'apprentissage, c'est montrer la dimension subjective qui l'a conduit à faire de tels choix. Et d'inviter l'élève à faire de même. La confrontation entre pairs est ici particulièrement intéressante, car elle évite d'être seul(e) à devoir interroger le bien-fondé des activités des professionnels.

Des débats d'ordre éthique risquent de tourner au pugilat. Les élèves montent vite en pression. Comment faire ?

Un cadre déontologique de l'échange doit être posé et tenu. S'écouter, ne pas porter de jugement sur la personne mais sur ses arguments sont des principes qui doivent être posés dès le départ. Bien sûr, ceux-ci n'assurent pas nécessairement un débat apaisé, mais ils permettent de donner le ton de ce qui est attendu, et de réagir au nom de ces principes lorsque cela s'avère nécessaire. Donner des rôles aux élèves (de facilitateur, reformulateur, ou de médiateur) permet de ne pas avoir à porter à seul le cadre déontologique à tenir.

Les élèves ont souvent des éthiques primaires. Ils ne cherchent pas à avoir une véritable réflexion. Comment leur permettre d'investiguer et de remettre en questionnement les valeurs en jeu ?

C'est là l'intérêt des questions socialement vives que de conduire les élèves à avoir envie d'argumenter, de se confronter car ils en ressentent un enjeu. Le travail de l'enseignant, du formateur est alors de poser un cadre de discussion qui limite les effets délétères d'un débat sans véritable écoute, au cours duquel le meilleur orateur gagne. Il suppose un changement de posture, qu'il n'est pas toujours aisé d'adopter : accueillir des points de vue que l'on réprouve, animer sans nécessairement prendre frontalement parti, ne pas se positionner ouvertement comme expert, ...

Comment pourrais-je donner mon point de vue, si je dois rester impartial ?

Permettre aux élèves de construire leurs points de vue, ne suppose pas que l'enseignant/le formateur ne puisse plus donner le sien. Mais de ne pas le donner comme celui qui fait référence, et ne pas induire les élèves à le considérer comme tel.

Des filières valorisées, d'autres dépréciées : changer les représentations dans l'établissement


Situation

Les établissements scolaires de l'enseignement agricole présentent en général plusieurs filières. Si certaines sont valorisées car attractives, contribuant à valoriser l'établissement, à attirer les élèves, d'autres, en creux, sont peu reconnues voire péjorées : certaines sont réputées n'attirer que des élèves en difficulté scolaire, et aux comportements parfois difficiles. Elles font alors l'objet de moqueries de la part des élèves des autres filières, moqueries malheureusement bien entendues par les élèves ciblés, qui ne font que détériorer leur image d'eux même. "Nous, on est la filière des nuls, les cas sociaux, même certains profs nous le disent : on est la voie de garage. " (paroles d'élèves de CAPA, Certificat d'Aptitude Professionnelle Agricole). Alors que certains enseignants s'y impliquent volontiers avec le souci d'aider des élèves à reprendre goût aux apprentissages, d'autres les fuient, voire les dénigrent. Les représentations portées sur les filières clivent autant les élèves que les équipes enseignantes.
"Les profs du BTS GPN (Brevet de Technicien Supérieur Gestion et Protection de la Nature), alors eux, ils se la pètent. C'est le fleuron de l'établissement, nous avec nos SAPAT, (Service Aux Personne et Au Territoire) on est les roturiers" (paroles d'enseignants).

Remédiations envisageables

Que des filières, des classes soient dévalorisées par rapport à d'autres, au travers des critiques, des moqueries et des stéréotypes dont elles font l'objet, que d'autres soient valorisées car plus emblématiques, plus attractives, est chose courante dans un établissement d'enseignement. Faut-il pour autant le banaliser, ou être fataliste ? Mettre en lumière la manière dont les usagers le vivent, notamment par le biais des enquêtes "climat scolaire", est un premier pas pour mieux en saisir les effets. Tenter d'y remédier est d'une grande valeur éducative, mais c'est un ouvrage qui est à remettre en permanence sur le métier. Et pour cause. Les métiers auxquels les filières "les moins nobles" se réfèrent sont eux-mêmes peu reconnus dans la société, le niveau intellectuel requis est péjoré. Ils sont le reflet d'un échec en regard d'une certaine vision de la réussite professionnelle, regard dont parents et acteurs de l'éducation ont parfois du mal à se départir. En termes de pilotage, trois stratégies complémentaires sont envisageables : celle de faire des élèves en difficulté un public privilégié de l'établissement, l'enseignement agricole pouvant se targuer d'une capacité à ancrocher les élèves par le biais de formations qui ont une visée aussi bien professionnalisante que socialisante, celle de travailler l'identité de l'établissement autour d'enjeux transversaux décloisonnant les filières, et enfin celle de promouvoir des filières vécues comme peu nobles. A ce titre, le ministère en charge de l’Agriculture, conscient que les filières professionnelles portées par l’enseignement agricole sont elles-mêmes dépréciées au regard de celles dont l’Éducation Nationale veut valoriser les métiers du vivant. Plusieurs actions sont prévues telles que le renforcement de la découverte des métiers relevant de l'enseignement agricole, des échanges de connaissances, d'expériences entre éco-délégués des deux systèmes, le partage du label E3D, label décerné aux établissements engagés dans une démarche globale d'éducation au développement durable, ou encore la participation des établissements de l'enseignement agricole aux campus des métiers et des qualifications. Ces campus ont pour finalité de créer des indicateurs de parcours de formation favorisant l’insertion sociale et professionnelle des jeunes et la formation des adultes, et offrent l'opportunité de valoriser une formation.
Toutes ces actions sont autant de prétextes et de leviers dans le pilotage d'un établissement, pour faire reconnaitre une filière, donner une image positive de l’enseignement agricole, ou encore décloisonner, en faisant travailler différentes classes ou filières sur un même enjeu, le développement durable, le bien-être animal, ou le commerce équitable... tout en les inscrivant dans le projet de l'établissement. Elles participent du développement d'une culture de l'orientation, aussi bien chez les élèves, les équipes éducatives que des parents, et peuvent conduire à requestionner les ambitions que nous portons pour les jeunes et ce qu'est réussir.

A l'échelle de la classe ou de la filière, les équipes éducatives ont plusieurs leviers dont elles peuvent se saisir, si elles même choisissent de ne pas prendre une posture élitiste. Il pourra s'agir de demander aux élèves de découvrir et faire connaitre le métier auquel ils se destinent, et à ce titre, plusieurs projets nationaux peuvent être mobilisés tels que "je filme le métier qui me plait", ou "ma caméra chez les pros" ou encore de s"inscrire dans le plan national de communication "les entrepreneurs du vivant". Il pourra aussi s'agir de réaliser des projets originaux avec les filières dénigrées et les promouvoir au sein de l’établissement et témoigner ainsi des compétences mobilisées par les élèves ou encore de leur faire réaliser un projet qui profitera à d'autres classes, tel qu'aménager des espaces de détente. D'autres équipes éducatives choisiront de faire travailler différentes classes sur un même projet, ou encore d'impliquer les professionnels dans la pédagogie. Autant de leviers pour permettre à des élèves de trouver du sens à leur formation, de se sentir reconnus, et peut-être de restaurer une estime d'eux-mêmes.


Ressources

Entrepreneurs du vivant est un site du Ministère de l'Agriculture permettant à l'usager d'identifier les métiers et les formations dépendantes du Ministère de l'Agriculture susceptibles de lui correspondre.

la feuille de route entre éducation nationale et enseignement agricole sur la valorisation des métiers du vivant précise la stratégie menée par les Ministères pour mieux faire connaitre les formations relevant du Ministère en charge de l'Agriculture.

Les campus des métiers et des qualifications. regroupent des établissements d'enseignement secondaire et d'enseignement supérieur, de formation initiale ou continue. Ils sont construits autour d'un secteur d'activité d'excellence correspondant à un enjeu économique national ou régional soutenu par la collectivité et les entreprises.

Le dispositif label école équitable st une campagne de mobilisation à destination des établissements scolaires engagés dans le commerce équitable.
image ecoleequitable.png (23.3kB)


Je filme le métier qui me plait est un concours donnant l'occasion aux jeunes d'enquêter sur un métier, de chasser les idées reçues et de réaliser un reportage vidéo qui fera l'objet d'une sélection officielle
image jefilmelematierquimeplait.png (10.1kB)

le dossier de presse donne notamment des chiffres clés sur l'insertion professionnelle des diplômés dans l'enseignement agricole.
L'actualité des statistiques de l'enseignement agricole et notamment de l'insertion scolaire et professionnelle, diplôme par diplôme.


Bibliographie

Fournier, E.& Fournier A. je filme le métier qui me plait : un déclic pour l'orientation. Les éditions du net

Foire aux questions

Dans mon établissement, les équipes pédagogiques de chaque filière ne se côtoient pas. Comment les empêcher d'avoir un regard condescendant les uns sur les autres ?

Il est fonctionnel d'avoir des enseignants investis dans une même filière, une même classe. Non seulement certains d'entre eux de par la discipline qu'il porte ne pourrait enseigner ailleurs et d'autre part ils peuvent plus facilement investir du temps pour assurer une veille sur les métiers, pour travailler avec les professionnels, ... Il est bon cependant d'associer dans une équipe "filière" des personnes qui y sont purement dédiées et d'autres qui travaillent sur plusieurs filières. Et ce ne sont pas nécessairement les premiers qui doivent endosser le rôle de professeur principal. Il est par ailleurs important que les projets portés par les établissements ne soient pas uniquement dédiés à des filières spécifiques, mais de promouvoir aussi des projets "inter-filières" qui conduisent les équipes à travailler ensemble, et à mieux comprendre la logiques des uns et des autres.

Certaines classes n'attirent que des élèves en grande difficulté scolaire. Il est utopique de vouloir redorer leur image. Comment éviter alors les stéréotypes à leur égard ?

Il est alors possible comme l'ont fait certains établissements de faire de la difficulté scolaire un levier pour créer des classes expérimentales qui présenteront des pédagogies originales. Elles peuvent alors devenir l'image de marque d'un établissement qui est en capacité d'"ancrocher" des élèves qui ont perdu tout gout aux apprentissages.

Certaines filières ne sont le reflet que de métiers peu valorisant pour l'humain. Chercher à les valoriser, n'est-ce pas tenter de faire cache-misère ?

C'est important de le prendre en compte et de ne pas rentrer dans une forme de démagogie. C'est pourquoi d'ailleurs les auteurs des projets "ma caméra chez les pros", et "je filme le métier qui me plait" invitent à aller observer une diversité de manière de réaliser un même métier, en espérant que cette diversité laisse à voir des possibles plus enchanteurs que d'autres.

Violence colportée par les "fake news"


Témoignage

Véronique, enseignante en biologie-écologie
"Les élèves sont totalement crédules par rapport aux informations qui leur arrivent. Je fais un cours et certains vérifient sur internet si mes propos sont vrais et bien sûr tombent sur n'importe quelle information douteuse. Il suffit que l'information soit accessible, et ne demande aucun effort de réflexion, car s'inscrivant dans des opinions à l'emporte-pièce, et ils me remettent en cause plutôt que ce qu'ils viennent de lire. Ils en viennent à rejeter la science et les informations qu'elle produit, sous prétexte qu'une personnalité qu'ils adulent dit le contraire, ou qu'une théorie douteuse stimule leur envie de critiquer pour critiquer. Chacun donne son opinion sur n'importe quoi et la qualité de l'argumentation, de la démonstration n'a plus de valeurs. Quant à moi, je me sens complétement discréditée".

Jean, professeur de français
" C'est stupéfiant de voir ce que les réseaux sociaux, et les informations sur le net véhiculent des propos complotistes, et comment les jeunes sont crédules. Comme les adolescents aiment se révolter, se marginaliser, ce sont des messages qui passent très bien et qu'ils prennent pour argent comptant. Après pas facile de développer une pensée critique, de cultiver le doute. Au contraire ces messages clivent, attisent la colère et la haine".

Capsules prioritaires

EN 2019, le CNESCO (centre national d'étude des systèmes scolaires) révélait que le niveau de confiance à l'égard de médias varie au regard des catégories socio-professionnelles dont sont issus les élèves. Les élèves les plus défavorisés auraient une plus grande confiance dans les réseaux sociaux que ceux issus de catégories plus favorisées. Les élèves les plus fragiles sur le plan psychologique sont aussi des cibles privilégiées des fake news. Tenter de les convaincre que la science a des arguments plus fondés à donner est souvent lettre morte. Il est moins couteux en énergie de croire une opinion plutôt que de tenter d'élaborer une réflexion argumentée. C'est à l'absence ou au manque de pensée critique, que l'éducation aux médias et à l'information souhaite répondre. L'EMI, l'éducation aux médias et à l'information vise à favoriser une meilleure compréhension, à donner des capacités d'analyse, de réflexion critique à l'égard des messages médiatiques, et vise à traiter des contextes sociaux, politiques, économiques, technologiques et culturels au sein desquels ces messages sont produits, diffusés et reçus. L'EMI s’inscrit dans une perspective de protection de l'enfance d'une part, et de renforcement de la citoyenneté de l'autre, par le développement d'une pensée critique et d’une conscience politique. Elle cherche à répondre à des problématiques telles les rôles pris par les médias dans les débats, la médiation de la violence, de la sexualité et de la pornographie, différentes formes de manipulation sexiste, ou raciste, ou encore celle opérée par la publicité. Avec le développement du numérique, de nouveaux enjeux sont apparus : nous sommes sollicités par des informations de plus en plus nombreuses et ciblées en fonction de notre profil, de nos intérêts. Les acteurs du numérique recourent de plus en plus à des algorithmes prédictifs qui personnalisent le service rendu et fournissent des éléments pour une prise de décision. risquant d'altérer le libre-arbitre de la personne, et de cliver des groupes sociaux autour d'une pensée dogmatique. Par ailleurs l'usager peut lui aussi être acteur d'une diffusion massive d'information. l'EMI a pris en considération ces nouveaux enjeux.

Les pédagogies valorisées se fondent généralement sur des démarches d'enquête, d'analyse d'informations, et sur une approche réflexive quant à la manière dont les médias nous influencent, en vue non seulement de développer une pensée critique mais aussi de développer une capacité à agir de manière éthique, prudente, responsable. Mais d'autres pédagogues et chercheurs positionnent l’éducation aux médias dans une perspective plus militante, en accompagnant les élèves à déconstruire les mythes véhiculés par les médias dominants. l'EMI est alors un outil de résistance à un ordre social injuste et un moyen d’émancipation collective. Tout dépend des formes de violence médiatique auxquelles nous considérons être confrontées. A ce titre, la didactique des Questions Socialement Vives valorise différentes modalités pédagogiques dans une visée émancipatrice et adaptée à la problématique traitée.

Ressources

pédagogique&tx_solr[page]=2 Le CLEMI, centre pour l'éducation aux médias et à l'information vous propose de nombreuses ressources pédagogiques, présentées sous forme de fiches pédagogiques pour éduquer aux médias
image clemi.png (4.6kB)


Comment éduquer aux médias ? . Le CLEMI vous propose des grands principes à suivre pour éduquer aux médias.

Ce kit pour éduquer au média élaboré par l'UNESCO est à l'intention des enseignants et autres professionnels, des élèves et des parents pour permettre une éducation aux médias en éducation formelle et non-formelle.

Traqueurs d'infox
Développé par de l’association Les Déclencheurs , cet outil invite par le jeu à questionner les images qui nous traversent tous les jours. Par l’expérimentation collective il permet d’instaurer une posture active et attentive face à l’univers des médias et des réseaux, axé sur une démarche d’appropriation préalable par les enseignants qui souhaitent l’utiliser.

fiches associées : "les questions socialement vives et leur retentissement à l'école"

Bibliographie

Barbey, F. (2009). L'éducation aux médias. De l’ambiguïté du concept aux défis d’une pratique éducative. Publibook
Corroy-Labardens, L., & Jehel S. (2016). Stéréotypes, discriminations et éducation aux médias. L'Harmattan.
Daviet, E. (2020). Esf, Éducation aux médias et à la citoyenneté. Questions vives.
Gonnet, J. (2001). Éducation aux médias. Les controverses fécondes. Hachette
Hamadi, N. (2021). Petit manuel critique d’éducation aux médias. Les éditions du commun.
Landry, N., & Letellier A.S. (2016). L'éducation aux méfias à l'ère numérique. PU Montréal
Piette, J. (1996). Éducation aux médias et fonction critique. L'harmattan.
Simonneaux, J. (2019). La démarche d'enquête. Une contribution à la didactique des questions socialement vives. Educagri éditions.

FAQ

Est-il préférable d'interdire l'utilisation des téléphones portables en cours ou de l'autoriser au risque d'être critiqué ?

Cela dépend de la pédagogie que vous utilisez. Si vous êtes plutôt dans une forme "expositive", certains élèves peuvent chercher à vous "coincer", à démontrer que vous avez tort. Le fait d'interdire le portable peut vous aider, à empêcher de tels comportements. Une autre possibilité est de les enjoindre à chercher sur leurs portables ce qui contredirait vos propos, et finalement d'entamer une éducation aux médias. Et de leur demander d'où vient leur source, et en quoi ils pensent que celle-ci est meilleure que la vôtre, ...C'est une manière de les prendre à leur propre jeu. Une autre approche pédagogique, certes plus longue, consiste à les inscrire dans une démarche d'enquête autour de la problématique que vous voulez traiter, et de les faire rechercher les arguments existants dans les médias ainsi que leurs sources. C'est dans la confrontation entre pairs qu'une pensée critique pourra alors émerger.

En allant chercher des informations sur le net tout azimut, n'y-a-t-il pas un risque de donner de la valeur à tous les propos émis et de relativiser finalement ceux de la science ?

  • C'est ce qui se produit de toute façon. Toute personne s'approprie les propos qui lui conviennent, qui confirment ce qu'elle pense. Nous sommes tous soumis à ce biais de confirmation. Et l'éducation doit justement lutter contre. Il s'agira de questionner les origines de ces propos, et notamment de faire découvrir la nature de la science. Non pas pour la "sanctifier" , lui donner une validité absolue, mais pour montrer dans quel contexte travaille un chercheur, avec quelle méthodologie, et en quoi il est un acteur à part entière dans des choix sociétaux.
Filtrer :  a&  é  ge s  k;  lgoryhtes  nte  r  tionale  tionaletten